Moi président à vie; pourquoi pas !
Moi président
Les élections arrivent à grands pas et les ambitions ont commencé à luire sur le visage de certains anciens. Les politiciens intégrés affûtent leurs armes et s’apprêtent tranquillement à bouffer de l’électeur. C’est clair qu’ici, l’électeur est bien celui qu’on convainc avant les élections, qu’on endort pendant le mandat et à qui on fait miroiter un rêve pour se faire réélire.
Certaines autorités redoutant de n’être plus en place après cette nouvelle campagne électorale, commencent à amasser, cachées derrière leurs nombreux voyages. Le compte en banque qui jadis attendait le salaire durement acquis est devenu aujourd’hui plus vorace avec des envies de prince héritier. Mais la peur des banques, terrible couteau suisse et le risque que présente les Occidentaux, les obligent à investir ici et là dans des immeubles, des maisons, des terrains et autres biens, un véritable sentiment patriotique.
Voici le temps des campagnes avec des candidats dans leur costume d’agneau qui traversent le pays de la lagune du Sud, au désert riche en uranium et manganèse du Nord. Un périple qui les conduira sur les terres de diamants de l’est et dans les déserts huileux magrébins.
On les revoit enfin, après leur dernier passage si brillant d’il y a 5 ans. Les vestiges de leurs affiches trônent encore sur certains murs. Avec les mêmes mots, ils reviennent, comme on le dirait, sur les lieux du crime. Ne dit-on pas que le violeur revient toujours sur le lieu de son crime.
Le même discours emprunté et un staff de campagne qui pense peut-être que les populations sont amnésiques. Beh voyons, ils ont dû oublier les discours passés, le candidat a même fini par oublier ce qu’il avait déjà lancé comme mot d’ordre. Normal avec son assistante personnelle, qui lui ressert le même discours. On ne change pas une équipe qui gagne dira-t-elle, pourquoi changer le discours, alors.
Et voici le candidat président dans un beau discours déjà entendu, nos amis les artistes chantent bien les mêmes chants chaque jour et le public crie toujours autant, pourquoi pas lui.
Moi candidat président
Votez-moi, je travaillerai à rendre le pays plus riche pour vous
Votez pour moi et pendant ce mandat vous aurez droit à tout
Votez pour le parti et nous travaillerons à rendre votre vie meilleure
Votre voix compte beaucoup pour nous, ne regarder pas ailleurs
Regardez et choisissez le meilleur, celui qu’il vous faut, moi
Je n’ai pas les mains souillées ni la langue dans la poche
Vous aurez droit à une gouvernance bâtie avec mes proches
Ils pourront enfin toucher au bonheur et jouir des fruits des rois
Moi président
Enfin aux affaires du pays comme on le dirait ici bas. Une chose est sûre le président travaille bien pour ses affaires. Les caisses sont vides, le gouvernement précédent n’a rien laissé, ils ont tout pillé, comment pouvons-nous travailler dans ses conditions.
Ainsi, avec une telle surprise, le cher président se trouvera à patienter deux ans le temps de reconvaincre les bailleurs de fonds. Ah oui, ces fameux bailleurs, qui prêtent plus vite que leur ombre avec des dons qui sont toujours pleins de petits astérisques bien connus des maisons d’assurance. Si ça ne fonctionne pas, on se tournera vers le marché des capitaux privés, qui eux prennent plaisir à signer des chèques à coût de taux d’intérêts mystiques et un échelonnement jusqu’à 100 ans.
À bas le peuple, donnez-leur de la musique, du foot, du rêve et qu’il nous laisse racheter leur terre.
Déjà 4 ans que je suis là, ce n’était pas facile de reconstruire,
Comprenez et ne vous en faites pas, les fonds sont enfin là.
Enfin, soupirera-t-on de l’autre côté, le pays est en train de luire
Les chantiers fleurissent ici et là, et sortent de terre leur mat
Des projets qui pour certains prendront de 5 à 7 ans. On pourrait bien se demander si le président sait que les élections c’est juste l’année qui vient. Ou peut-être qu’il connait déjà les résultats ou du moins qu’il le fait par amour pour son cher pays.
Moi président en mode candidat pour un second mandat
Je reviens vers vous, pour terminer ce que j’ai commencé
Les bailleurs me font déjà confiance et le pays est en chantier
Ayez peur du changement, la voie du progrès est toute tracée
Enfin, les promesses que je vous ai faites vont se concrétiser
Ne prêtez nullement attention à mes joues, et à mon teint ciré
Vous savez, pour les négociations nous devons être bien tirés
Ne vous en faites pas, j’ai pris en compte vos revendications
Cette fois-ci, le gouvernement fera beaucoup plus attention
Moi président en fin de second et dernier mandat
Le temps passe tellement vite sous les palmiers. Déjà 10 ans et les revoilà ces « foutues » élections. Cette fois-ci, le mur est là, la fameuse Constitution, et surtout ce groupe nominal « pas plus de deux mandats ».
Je me souviens encore du temps où je criais à qui voulait l’entendre :
— Pas plus de deux mandats, on veut la démocratie
Je ne savais pas, je veux m’excuser auprès de mes prédécesseurs. Qu’ils sachent que j’ai enfin compris pourquoi ils avaient essayé de s’accrocher au fauteuil royal.
Comment faire pour rester encore un peu au pouvoir (10 ans de plus, ce n’est pas trop demandé). Surtout quand pendant 10 ans les populations, du moins l’opposition attendait patiemment ces élections. Je les trouve du coup ingrats, ceux-là mêmes à qui je remplissais les comptes à coup de sous du contribuable.
Il me reste encore ce dernier tour de passe-passe,
La Constitution, pourquoi ne pas la remettre en place ?
On va certainement lui refaire une petite beauté,
C’est vrai que son côté féminin aime bien être coquet.
Mais là, les yeux du monde sont figés sur chacun de mes faits et gestes. Les gens commencent à lire de plus en plus chacun de mes communiqués, et chaque passage à la télévision est enregistré, sacré Internet, le rouge vous va si bien.
Que dois-je faire pour encore être moi président ?
Avec ce « satané » comité de soutien pour un 3e mandat qui ne cesse de faire son bruit. La stratégie ne marche plus, il rencontre tellement d’oppositions sur le terrain. Rien n’est jamais simple à mettre en place, surtout avec cette cote de popularité en chute libre.
Pas grave je me lance, s’ils ne veulent pas, ce n’est pas un souci, de toutes les manières avec un Parlement et des institutions à ma solde, je serai encore là pour longtemps.
Et puis, d’autres l’on fait avant moi, sans représailles alors pourquoi pas moi. N’y ai-je pas droit également ?
Pourquoi voulez-vous le changement, l’Angleterre est bien un royaume tout comme l’Afrique. Laissez-moi transformer cette nation en royaume, ainsi mon fils pourra me succéder sans grand mal.
Qui a décidé que le mandat devait faire que 5 ans, que 5 courtes années…
Les institutions internationales et les ONG locales commencent à faire du bruit, plus le temps passe et plus les regards se tournent vers moi. Il me reste cette dernière carte, le soutien de mes collègues présidents. Sûrement me comprendront-ils et communiqueront-ils mieux que moi, ils savent que leur jour arrivera aussi.
La solution ultime est toute simple, je simule un coup d’État et le tour est joué. Je suis encore là pour défendre les institutions. Mais…
Moi ancien président
Les honneurs sont finis, plus de place sur le tapis rouge
Que dire de cette chaise au conseil, là où rien ne bouge
Moi ancien président et mon idole le président de Russie
Comment faire pour le rencontrer et apprendre de lui
Ici, un président change la Constitution,
Ici, être président c’est pour la vie,
Ici, un président succède à son père,
Ici, un président n’a pas de retraite,
Sauf qu’ICI tout doit changer,
Moi président je quitte le pouvoir après un mandat,
Moi ministre je démissionne s’il le faut pour la nation,
Moi DG je mettrai en avant mon équité et ma probité
Je donnerai les dossiers en cours à mon successeur
Moi je laisserai la voiture du ministère au service de l’Etat
…
Et toi président(e), que feras-tu…
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